Lors de ma formation en community management, l'outil en ligne Canva a été mentionné plusieurs fois sans que nous ayons un véritable cours sur comment l'utiliser. Quand nous avions des projets créatifs à réaliser, la plupart de mes camarades, sans background dans le design graphique ou le graphisme en général, s'en servaient pour aller plus vite. De mon côté, sachant que nos sessions étaient courtes, je préférais utiliser les outils que je connaissais déjà pour ne pas perdre de temps à apprendre une nouvelle app alors que nous devions faire autre chose.
Avant cette formation, j'avais surtout entendu parlé de Canva de la part de graphic designers professionnels à travers le monde qui… crachaient dessus sans ménagement.
C'est pendant mon stage que je m'y suis sérieusement attelée. L'outil sert pour l'entièreté de la grille de contenu de Happypreneur·e et j'avais pour première tâche de créer des posts pour le compte Instagram de l'agence en devenir, puis de carrément réaliser des modèles (templates) destiné à la vente.
Cet article a été rédigé sans utilisation de ChatGPT ou autre rédacteur IA (je n'ai rien contre ces outils mais je préfère préciser, j'aime bien rédiger).
1. Une prise en main simple et rapide
La première heure de mon stage consistait à, tout d'abord, m'expliquer en gros comment fonctionnait. Une heure a suffit pour que je prenne le logiciel en main avec fluidité et intuitivité.
Clairement, ça change des années d'apprentissage en auto-didacte de Photoshop jusqu'à sa maîtrise (bien que je ne pense que l'on puisse à 100 % maîtriser quoi que ce soit). Encore plus avec Illustrator, voire pire avec InDesign, deux logiciels que j'ai appris en cours.
Même si, désormais, j'utilise et comprends totalement le golden trio des applications Adobe, la plupart du temps utilisé reste quand même du chipotage pour ce qui m'était demandé de faire et peu pratique pour partager les fichiers. Ce n'était pas nécessaire d'utiliser Photoshop pour faire ni les posts ni les templates. À chaque outil sa fonctionnalité.
Un gros plus : la plupart des raccourcis-clavier d'autres applications sont fonctionnent dans Canva !
2. Un outil accessible aux novices
Le point fort de Canva et que, même en version gratuite, le potentiel de création qu'offre l'outil aux novices est immense.
C'est censé être utilisé pour aller plus vite et aider ceux qui n'ont pas forcément de connaissances ou d'expertise en réalisation de visuels d'avoir accès à un panel d'éléments déjà créés et simples à utiliser en seulement quelques clics.
Esthétiquement et créativement, il ne faut pas avoir trop d'exigence mais il y a tout de même quelques petites pépites. On est loin de ce que j'imaginais, à savoir un fourre-tout d'images et de templates tout droit sortis des années 2000 à 2010, donc kitsh mais sans le charme. Au contraire, beaucoup de templates sont aux tendances graphiques actuelles et les stocks d'images sont de haute qualité. Bien que les tendances graphiques ne sont qu'éphemères et peu utile dans le branding, c'est tout de même un bon point de départ avec une esthétique attrayante. La bibliothèque de fontes est également extrêmement riche !
3. Pratique pour partager des documents
Je me suis toujours demandée comment ça se passerait en tant que designer graphique de remettre les fichiers de travail pour une utilisation long-terme. Par exemple, un menu pour un restaurant mis en page dans InDesign, une couverture Facebook avec l'horaire faite dans Illustrator, etc. Comment font les clients dont l'expertise est avant tout de cuisiner ? Sachant que la majorité des gens ne connaissent pas du tout l'utilisation de ces logiciels pro et que généralement, une fois que le contrat est fini, c'est fini, ça pose un énorme problème. Surtout pour les milieux où les clients ne n'ont probablement aucune connaissance dans le milieu et ne vont certainement pas faire appel indéfiniment à des graphistes pour modifier "Gnochi" par "Spaghetti" dans leur menu.
C'est là que Canva est super pratique. Tu fais une couverture Facebook, un menu digital, et toute autre chose dont l'information peut évoluer au fil du temps ? Le ou la client·e n'a qu'à ouvrir le document dans Canva, modifier le texte ou les couleurs, exporter et c'est bon ! Pas besoin de ré-engager un tier ou de se prendre la tête à apprendre et payer des logiciels dont ils se serviront 2 fois l'année.
Dans un autre contexte, partager avec les membres de son équipe. En partageant avec quelqu'un d'autre du studio/agence, les modifications sont appliquées pour tout le monde.
C'est aussi pratique pour montrer directement au client à quoi va ressembler sa demande sans qu'il puisse exporter ou modifier le document avant paiement grâce aux différentes façons de partager (voir uniquement ou modifier). D'ailleurs, dans le cas d'une visualisation uniquement, pas besoin qu'il/elle/iel ne crée un compte.
4. Ce dont Adobe devrait s'inspirer…
Tellement d'idées de génie pour se simplifier la vie que j'en étais quelque peu frustrée lors de mon retour sur Photoshop ou Illustrator où, justement, je ne pouvais pas faire pareil. Une liste non-exhaustive de ce qui m'a le plus plu :
✷ Remplacer une couleur par une autre partout sur le document;
✷ Copier le style d'un élément et l'appliquer à d'autres : alors, oui, on peut créer des styles d'objets dans Illustrator et InDesign mais de nouveau, de la chipoterie quand on veut faire une chose une fois et le poster;
✷ Remplacer la même fonte par une autre partout sur le document : comme le premier point, c'est tellement pratique et effectivement, ça existe aussi sur Illustrator et InDesign via les styles de caractère et de paragraphe mais… chipoterie comme dit ci-dessus.
✷ Changement en un clic de la couleur de fond d'une page : Je trouve ça aberrant qu'en 2024, dans Illustrator on doive encore créer un rectangle de la taille du document, le placer correctement, changer sa couleur puis le verrouiller sur un calque à part pour éviter de le sélectionne par inadvertance;
✷ Ajouter une nouvelle page qui prend automatiquement la couleur de la précédente;
✷ Ajancement des éléments en grille : De nouveau, les alignements sont déjà un truc qui existe dans la suite Adobe mais l'ajancement d'éléments sur grille ? Non;
✷ Le détourage automatique fonctionne tellement mieux : Là aussi je trouve ça aberrant qu'un leader du graphisme tel qu'Adobe ne soit pas fichu d'avoir une IA qui fasse cela correctement. Des cheveux bouclés ? Des personnes en face d'un fond de la même couleur qu'un vêtement ? Là on Adobe foirerait complètement – même si ça reste un début, j'entends bien – l'IA de Canva ne m'a pas une seule fois déçue;
✷ Une multitude de formats pour les réseaux sociaux, sites web et vidéo pour commencer directement ton document : Encore une fois, on peut très bien créer ses propres presets de format dans la suite Adobe mais ils sont déjà là dans Canva !
5. Tout ne doit pas être fait dans Canva
Bien que les possibilités soient larges, pour des raisons de professionnalisme et/ou de practicabilité, tout ne devrait pas être créé dans Canva.
Je fais surtout référence aux logos ici. Déjà, ce que j'ai pu voir, ce ne sont pas des logos mais généralement des illustrations. Ensuite, prendre des images et éléments vectoriels de stock que n'importe qui d'autre peut également utiliser réduit totalement l'authencité et l'originalité de l'identité d'une marque.
Je n'ai pas testé personnellement, mais je doute que l'exportation en PDF à destination d'impression soit également idéale. Quid de la résolution ? Quid de l'aplatissement des calques ? Quid de l'espace colorimétrique ? C'est comme faire un document à imprimer directement dans Photoshop en RVB (j'ai vraiment eu un camarade de sup' qui faisait ça pour… tout).
Faire des vidéos est possible mais c'est assez limité et… irritant. Car une page = une frame. En d'autres mots, lorsque tu modifies le même élément qui se retrouve sur plusieurs frames, ça ne changera que sur la frame sélectionnée. Donc, il faut modifier le même élément sur toutes les autres frames en faisant gaffe à ne pas en oublier UN seul.
6. Canva est moins radin que d'autres
Dans une époque où les applications à abonnement et micro-transactions sont malheureusement devenues la norme (ah le bon temps où tu pouvais payer une fois un logiciel et l'avoir à vie…), je trouve que Canva sort vraiment du lot avec la quantité d'outils et d'éléments gratuits mis à disposition.
Bien sûr, lorsque j'utilisais l'app lors du stage, je n'avais pas encore conscience de ce que je manquais car j'utilisais une version Premium mais une fois de retour à la case "gratuite", je me suis dite que ça allait encore comparé à d'autres applications d'un genre similaire.
Là où j'ai été frustrée cependant, bien qu'on a déjà sacrément beaucoup de choses gratuites, en plus de ne pas pouvoir faire son image de marque en "gratuit", c'est que ce sont évidemment les éléments les plus utiles et minimalistes qui sont parfois bloqués derrière l'abonnement Premium, comme les icônes d'interface utilisateurs (bouton j'aime, partager et autres des réseaux sociaux par exemple). Mais ! Ils permettent d'importer nous-même des SVG par exemple. Un format qu'on peut également utiliser lors de l'exportation si on a un compte Premium. Autrement dit, on peut littéralement exporter les éléments et illustrations vectoriels et les utiliser ailleurs. Pour rappel, les couleurs des SVG peuvent être modifiée directement dans Canva !
Éthique et plus respectueux ?
Je me rappelle de PicsArt, une application un peu similaire en apparence qui fut très populaire vers 2020-2021. J'ignore où en est cette popularité car j'ai très vite expédié cette app de mon esprit. Pour quelle raison ? C'est un concentré suprême d'art volé. Non seulement, les 3/4 étaient bloqués en "gratuit" mais la plupart des photos, illustrations, stickers et autres éléments "décoratifs" avaient été pris des artistes sans leur consentement ! Dont justement des stickers et illustrations "Premium", ce qui signifie qu'ils se faisaient de l'argent sur le dos d'artistes parfois même pas au courant. Plusieurs avaient d'ailleurs fait des plaintes contre l'entreprise mais les lois du copyright aux États-Unis est quelque chose contre quoi la plupart des artistes ne peuvent rien malheureusement…
Pour Canva, j'ai eu une appréhension similaire : PicsArt all over again ? Déjà que les deux apps semblaient similaires, je voyais énormément de stickers et d'éléments vectoriels qui me semblaient avoir déjà vu ailleurs. En faisait des recherches, j'ai pu voir que dans les éléments Premium, une artiste avait ses propres collections rattachées à son pseudo sur les autres plateformes. En effet, certains artistes et graphistes vendent leur travail à des app de ce style contre compensation. Quelque chose de similaire au licencing de webfontes. Dans ce cas, ça va.
J'ai cependant quelques doutes quant aux stickers et illustrations gratuits. Les soi-disants artistes derrière ces derniers sont rarement des entités que l'on peut retrouver ailleurs (généralement des "Fun Stickers" ou "Canva Free") et leur unique collection est un gros fourre-tout d'un peu tout et n'importe quoi, à l'inverse des premium avec un artiste derrière dont le style est reconnaissables à travers tout ce qu'il/elle/iel fait.
J'ignore également comment Canva gère les situations où quelqu'un s'approprie le travail d'une autre personne. Encore des histoires de DMCA et de copyright contre lesquels les petits artistes n'ont aucun pouvoir ? L'interrogation demeurt.
4. Je ne suis pas moins une designeuse graphiste car je m'en sers
Canva est un outil, point barre. Les connaissances, l'expértise et la créativé sont vraiment ce qui importe et ce qui impactera l'utilisation du-dit outil.
Plein de graphistes refuse catégoriquement d'utiliser Canva car ce n'est pas un outil professionnel et je trouve cela… idiot. C'est également refuser d'évoluer avec son temps, ainsi rester dans une époque où uniquement des outils pro étaient "accessibles". Un peu à la manière de l'IA qui a foutu la trouille à plein de monde quand ça a commencé à être discuté un peu partout.
Un outil est également quelque chose qu'on change et utilise en fonction du travail à accomplir : Je dois faire un logo ? Hop, Illustrator. Je dois faire le résumé annuel de 200 pages d'une entreprise corporate ? OK, InDesign it is. Je dois faire un menu numérique pour une brasserie de campagne ? Bah ça se fera dans Canva !
Évidemment, si tu tombes mal et qu'on te demande de faire un logo dans Canva, c'est un autre sujet… Mais le point ici que ça ne reste qu'un outil.
5. Point de vue des autres designers
J'ai essayé de comprendre cette haine véhémente de la part de graphic designers et graphistes sur le net et ça rejoint un peu le début du point précédent : ce n'est pas un outil professionnel donc c'est zéro.
Mais cela vient surtout du fait que des personnes s'auto-proclament graphistes parce qu'il/elle/iel crée de "jolis trucs" dans Canva qui ressemblent plus ou moins à du design graphique sans que ça n'en soit. Il est là le problème et je suis assez d'accord sans partager ce dégoût de l'outil.
Le design graphique ce n'est pas non plus juste faire des "jolis trucs" à l'opposé de ce que la grille de contenu d'auto-proclamés graphistes tape dans leur bio Instagram. Des tendances ont émergées par ce bien mais les tendances sont éphémères alors qu'un travail de design graphique solide se veut pérenne. De mon point de vue, créer une identité graphique sur base de tendance est le total opposé de ce que les designers graphiques font. Ces tendances donnent lieu à du graphisme sans le design.
Cette détestation vient aussi de ces tendances justement. Lorsqu'un style devient populaire, Canva a toute une panoplie de templates dans le thème. Ce qui mène à une utilisation excessive du même style, encore et encore, et réduit considérablement l'originalité.
Et c'est bien dommage, encore une fois, mais plein de personnes qui sautent dans le train des tendances et reprennent des modèles Canva déjà prêts aux couleurs et styles à la mode pensent être des graphic designer. Je développe plus dans le point suivant.
6. Ça ne fait de personne un graphiste
Ça rejoint les deux points précédents. Savoir utiliser un outil ne fait pas de soi un professionnel. Les connaissances acquises et l'expértise accumulée font de soi un professionnel, peu importe les outils dont on se sert tant qu'on accompli la tâche demandée en ayant de la réflexion et de la créativité.
Canva t'offre tout sur un plateau d'argent : aucune réflexion ou créativité. Les connaissances et l'expértise ? Pas besoin !
Bien que certaines personnes n'utilisent pas de templates déjà faites mais créent "tout" elles-mêmes, bien qu'elles aient une certaines créativités, elles n'ont simplement pas cette expértise et ces connaissances qui font de soi un véritable professionnel du design graphique. Comme dit dans le point précédent, la plupart des éléments créer dans Canva par ces personnes surfe sur des vagues de tendances plutôt que réellement réfléchir aux cataréstiques très importantes qui définissent un client ou d'une audience.
Conclusion